À partir des ouvrages d’Alain Damasio, nous tenterons d’écrire et de jouer une forme de correspondance avec cet écrivain engagé qui décrypte notre réel, au gré de discussions, de jeux d’écriture et de rencontres. Ce sera aussi l’occasion parfois de se réunir autour d’un repas, d’éprouver ensemble les mots à voix haute, les échanger, les discuter, les regarder prendre corps, les mettre à l’épreuve des mots des autres, fouiller leurs potentialités. Explorer ce qui vous tient en alerte , vous met en mouvement, en tension, ce qui vous donne du courage.
« L’histoire de la propriété du mot « chat », dans ce contexte chaotique, est une plutôt étrange histoire, mais moins que celle de Clovis Spassky lui-même, révolté du langage, haut parleur fabuleux, rhéteur fou, qui renia trente ans d’écriture méticuleuse pour une quête strictement dérisoire. Cette quête, ce fut de vouloir racheter, à son profit personnel et exclusif, le mot « chat » […]
Les figures qu’inventa Spassky, ses trois personnages conceptuels si l’on veut — le Chat, le Pas-chat et le Non-chat lent — furent présents dès le début dans sa prose. À travers elles, il oppose le chat, force souple, force vive et noble, à son triple contraire lexical et théorique : le Pas-Chat (Pacha), citoyen-roi avide d’être amusé, cajolé, mystifié et nourri ; le Non-chat lent (nonchalant), corps avachi de plaisirs biodégradables, privé d’énergie et de vitesse interne, impropre aux ruptures créatrices et à la révolte ; et enfin l’A-chat (l’achat), principe de cadrage et de canalisation des désirs qui opère la reterritorialisation de ce qui jaillit ouvert et fuyant en nous. »
– Alain Damasio, « Les Hauts Parleurs »
(Cette nouvelle est parue dans l’ouvrage d’Alain Damasio et de Karen Bastien, « Une autre mondialisation en mouvement », éditions Mango Documents, 2002, 95 p., 7,5 €)