Héritage

James Agee par Robert Mac Liam Wilson

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ROBERT MAC LIAM WILSON © Sigrun Sauerzapfe

Deux jeunes hommes, à deux époques différentes 1936 et 1992, embarqués dans une aventure humaine, littéraire et politique.

James Agee a 27 ans quand il est chargé d’une enquête sur les blancs pauvres de l’Alabama. On est en 1936, accompagné de Walker Evans – qui deviendra le célèbre photographe américain – il va au sein de trois familles de métayers, tenter d’approcher la vérité. Une traque de la vérité. Mais qu’est-ce que la vérité d’un homme, d’une société ? N’est-elle pas insaisissable ? Agee nous le fait percevoir. L’intention première est un compte-rendu. Mais la personnalité fiévreuse de l’auteur, son regard de cinéaste, l’intensité de sa vision, presqu’anormale, la transparence poétique qu’il donne à tout ce qu’il regarde vont donner à son récit une portée toute autre. Louons maintenant les grands hommes est un livre exceptionnel qui révolutionna la vie littéraire et anthropologique.
James Agee est mort d’une crise cardiaque en 1953, à New York, dans un taxi. Il avait 45 ans. James Agee a aussi écrit le scénario de The African Queen de John Huston et de La nuit du chasseur de Charles Laughton.

Robert McLiam Wilson a lui aussi 27 ans quand il écrit Les dépossédés. Plusieurs mois durant, l’auteur, accompagné du photographe Donovan Wylie, est allé à la rencontre des plus pauvres au sein de trois grandes cités du Royaume-Uni : Londres, Glasgow et Belfast. Comme Agee, McLiam abandonne toute distance journalistique au profit d’une empathie émue, pudique et profonde pour ceux qu’il croise au fil de son enquête dans l’Angleterre ultra-libérale du gouvernement Thatcher : «Je me suis lancé dans l’aventure avec toute la confiance de la jeunesse, à grandes et puissantes enjambées, j’ai foncé droit dans le mur de mon ineptie et de mon incapacité à affronter un sujet beaucoup trop vaste pour moi, à décrire des individus dont l’existence était plus complexe que je ne pouvais le suggérer, ou parfois même le comprendre.»
McLiam est né à Belfast dans un quartier ouvrier et catholique en 1964. Il a également écrit 3 romans de fiction : Ripley Bogle, La douleur de Manfred, et Eureka Street.

« Je suis prolétaire et pour moi le travail, c’est quelquechose de plus ou moins physique. On va au travail, on bosse, on rentre le soir fatigué et on dépense le salaire. C’est une vie assez simple. Donc, déjà, bosser dans un bureau pour des gens comme moi, c’est un peu « frou frou »… Alors mentir professionnellement…
Ecrire des récits, des témoignages, c’est activer les autres muscles de l’écrivain. C’est pas du tout la même chose qu’écrire un roman…
»
Robert McLiam Wilson

Le temps de la nuit était celui d’Agee. Dans l’Alabama, il travaillait jusqu’à je ne sais quelle heure avancée. Quelques passages de Louons maintenant les grands hommes se lisent comme des morceaux écrits sur les lieux, à la nuit… Il était mû vers tout ce qu’il pouvait voir de la vie de ces familles. En un sens, les conditions du travail sur place étaient idéales. Il pouvait vivre sans distraction à l’intérieur du sujet. Il avait fui les bureaux où s’élaborent les périodiques de New York, les mondanités intellectuelles des soirées de Greenwich Village, et plus généralement il avait fui tout du monde culturel policé. En Alabama, il suait sang et eau avec une jubilation qu’il gardait pour lui. Les familles comprenaient ce qu’il était venu faire là. Il l’avait expliqué de telle façon qu’en retour elles portaient intérêt à son travail. Il gagna la sympathie – peut-être trop même – de pratiquement tout le monde, quoiqu’il ait trouvé en face de lui différents durs à cuire : des gens éprouvés, malins et à qui on ne la faisait pas. Probablement dût-il à sa timidité devant leurs problèmes d’être accueilli au milieu d’eux… Les jours passés avec ces familles eurent une fin abrupte. Leur contenu réel et leur signification ont été révélés tout entier. Écrire à leur sujet c’est écrire, entre autres, sur les pensées qu’évoquent une rébellion résolue, une rébellion privée. La révolte d’Agee fut inextinguible, dommageable au révolté, profondément enraciné dans ses principes, infiniment coûteuse, et en dernière analyse sans prix.
Walker Evans, New York 1960

Michel André ouvre la rencontre avec Robert Mc Liam Wilson

Infos pratiques

La Marelle-Villa des projets d’auteurs et La Cité proposent à travers cette rencontre « comment se raconte une filiation ».

le dimanche 18 mars à 16h
à l'Equitable Café

Vidéo

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