© Marc Ramos
Omar Benlaala retrace dans son livre « La barbe » un itinéraire précurseur, le sien : comment, jeune Français d’origine algérienne, il est devenu, au milieu des années 1990, l’un des premiers « barbus ». Il raconte les étapes successives de sa quête d’identité : décrochage scolaire, apprentissage accéléré de l’islam dans les mosquées de la région parisienne, voyages initiatiques à travers le monde, puis défonce sur les pistes de danse. Au terme de ces expériences, il trouve finalement son équilibre dans une pratique spirituelle apaisée.
Il y a dix ans, alors qu’un nombre croissant de jeunes font le choix de l’islamisme, Omar coupe sa barbe et redevient invisible. Commence alors pour lui une nouvelle quête, ne visant plus ni l’absolu ni la distinction, celle du calme intérieur. Le parcours singulier d’Omar aide à comprendre celui d’autres jeunes qui, aujourd’hui, se cherchent dans la religion.
« N’ayant jamais mis les pieds dans une mosquée, je ne savais pas ce que j’allais y trouver. Mais parfaitement ce que je fuyais. »
Dans son livre, l’auteur décrit avec finesse et humour les états d’âme d’un adolescent qui entre dans l’univers d’un Islam dont il ne connaît pas grand chose mais où un groupe de croyants lui offre une place, un statut, un rôle… et une nouvelle image de lui-même.
Ce livre ouvre de nombreux espaces de compréhension sensible : comment un jeune, après avoir décroché des études au collège, peut avoir envie de recommencer à étudier (la langue arabe), à apprendre (par cœur), à être corrigé ou félicité (par de nouveaux « maîtres ») et à être fier de ses progrès… tout en étant inconscient des ruptures familiales et sociales qui l’isole ; comment le jeune garçon pense enfin honorer parents et ancêtres (prendre la voie d’Allah) alors que ceux-ci sont préoccupés par son avenir social ; comment il découvrira au Pakistan le rayonnement international du mouvement des « Tabligh Jamaa », ce groupe de prédication qu’il a rejoint et dont il ne savait finalement pas grand chose ; comment les rencontres diverses qu’il fit sur son parcours l’ont aiguillé petit à petit vers une spiritualité sereine, le lâcher prise et l’écriture.
Vingt ans après, le témoignage d’Omar est précieux dans cette période où une nouvelle génération peut être fascinée par des idéologies extrêmes ou par un islamisme politique violent susceptible de transformer leurs frustrations et leurs peines en haine déshumanisante et meurtrière. Ce qui n’était pas encore le cas à son époque de manière aussi massive avec cette « colonisation des esprits » amplifiée par internet qui menace certains jeunes aujourd’hui.
La Barbe décrit également le délicat passage à l’âge adulte (d’où le titre, polysémique), aborde le rapport entre les générations, la déscolarisation, la délinquance, la drogue, les fragilités issues de l’histoire de l’immigration ou de l’exclusion sociale.
Ce livre de maturité et de sagesse est une invitation à la bienveillance, à la rencontre, au partage et au dialogue.
Omar Benlaala est né à Ménilmontant (Paris) en 1974, dans une famille d’immigrés algériens. Précocement déscolarisé, il vagabonde pendant plusieurs années, passe de CDD en CDD, avant de publier en ligne Inspire, premier volume d’une trilogie qui tient du roman d’anticipation et de la fiction à thèse. En janvier 2014, il poste un bref récit autobiographique sur le site Raconter la vie. Les éditeurs de la collection éponyme lui proposent alors d’en faire un livre : La Barbe paraît au Seuil un an plus tard. L’Effraction, son premier roman publié, sort en août 2016, et marque le début de sa collaboration avec les éditions de l’Aube.