Je te le dirai par écrit

Duo dansé de Caroline Bo et Malek Sebaï présenté en partenariat avec Le Merlan, scène nationale à Marseille.
Comment le temps a‐t‐il modelé et réuni deux femmes qui, à l’occasion de cette chobiorégraphie, se retournent sur leurs parcours et questionnent la nature de leur identité avec tendresse, dérision ou mélancolie ?

« Je te le dirai par écrit part d’une rencontre, celle de Malek Sebaï et moi-même, il y a dix ans. Danseuses expatriées chez Elisa Monte à New York, notre histoire se confond. Comme un alter ego, je suis arrivée au moment du départ de Malek et j’ai repris tous ses rôles. Lorsqu’Internet nous relie à nouveau, une mer nous sépare. Nous aurions pu en rester au statut d’amies « internet ». Pourtant, quelque chose nous attire : notre passé commun chez Elisa, notre passion pour l’humain et la danse comme outil de notre recherche. L’idée d’un duo germe vite. Aussi vite, l’impossibilité de communiquer se pose, s’impose. YouTube étant interdit par la censure en Tunisie, échanger des vidéos de nos créations est compliqué, son serveur email est régulièrement bloqué.
Notre histoire se retisse par courrier. Tout ce que nous avons à nous dire, nous nous le dirons par écrit.
Enfin advient notre premier face à face. Traces du temps qui a passé, nos visages ont mûri, nos cheveux aussi, nos corps témoignent de nos parcours. Et c’est l’identité de chacune qui vient se poser au centre de notre relation. Reflet de ma propre culture face à la sienne, reflet de ma propre vie de femme face à la sienne, reflet de mes choix d’artistes face aux siens… tandis qu’en studio c’est toujours l’osmose : même façon de nous échauffer, une relation au mouvement dont la similitude nous trouble nous-mêmes.
Ce jeu de miroirs nous pose encore et toujours la question de notre propre identité. Nos retrouvailles provoquent un bilan auquel nous avons peur de faire face : porteur de notre histoire, notre corps révèle crûment nos fragilités de toujours. Présentes il y a dix ans, elles persistent aujourd’hui. »
Les premières répétitions de Je te le dirai par écrit ont eu lieu en janvier 2010 à Carthage et le processus de création s’est poursuivi au long de l’année 2010 entre une Tunisie sous Ben Ali et la France. La première en avait été fixée avec la directrice de Mad’Art, Raja Benamar, lors du Festival Les Journées de la Danse Contemporaine en février 2011. La révolution tunisienne qui a éclaté en janvier 2011 a menacé le festival et c’est uniquement grâce à la persévérance de Raja Benamar qu’il a pu être maintenu. Notre première a donc eu lieu comme prévu le 24 février, dans une Tunisie encore bouleversée. Nous tenons ici à rendre hommage à Mme Benamar d’avoir permis à notre duo de voir le jour dans des conditions si difficiles.
Caroline Bo